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Marguerite Grandjean

directrice des études à Futuribles, puis au sein du collectif Ouishare

L’économie demain :
entre ubérisation et économie collaborative

mercredi 5 octobre 2016 20h00

 


Marguerite Grandjean, directrice des études à Futuribles, puis au sein du collectif Ouishare, dédié à l’émergence de la société collaborative, notamment dans le domaine de l’économie sociale et solidaire est experte en prospective à la Commission européenne.


L’économie vit une mutation sans précédent. Mondialisation ou relocalisation, financiarisation, technologies numériques… donnent lieu à de nouvelles formes d’activité et d’emploi. Avec comme à chaque fois le pire et le meilleur. L’économie demain semble partagée entre l’ubérisation et des formes d’économie plus solidaires basées sur le partage et la collaboration.

Avec Marguerite Grandjean, nous avons cherché à mieux comprendre les enjeux de ces nouvelles formes d’activité économique et d’emploi :

  • Comment définir l’ubérisation et l’économie collaborative, sous leurs différentes déclinaisons ?
  • Pourquoi ce développement récent ?
  • Quels sont les secteurs les plus concernés ?
  • Quelles incidences à long terme sur les formes d’emploi (salarié/ indépendant / auto-entrepreneur) : opportunités, mais aussi menaces
  • ....

Marguerite Grandjean répond aux questions de Gilles Carrière du Télégramme

1) L’économie de demain semble tiraillée entre l’ubérisation (et le précariat qui l’accompagne), un marché privé régulé par les Etats providences et des formes d’économie plus solidaires basées sur le partage et la collaboration. Quel modèle va l’emporter ?

Ni les uns ni les autres ! Les 3 modèles coexisteront, et d’autres modèles émergeront. Le terme vague d’uberisation ne reflète qu’une toute petite partie du changement qui est à l’oeuvre et qui engendre cette "économie de demain". "L’uberisation" désigne la façon dont certains acteurs pionniers, aujourd’hui les plus visibles (Uber, Airbnb, etc), ont amené ces changements : ce sont des plateformes qui incarnent une vision de marché du collaboratif, et qui ont une place dans notre système économique à condition de régl(ement)er certains problèmes sociaux (cf. question suivante). Mais ce n’est pas la seule manière de fonctionner.

Car en réalité, une myriade d’acteurs se sont saisis des possibilités du numérique et de l’accès à des ressources distribuées pour proposer un vaste spectre de modèles économiques et de gouvernance. Les formes plus solidaires ont largement préexisté aux plateformes digitales d’aujourd’hui. Parmi ces modèles différents, certains sont fondés sur un modèle contributif, d’autres sur un partage du pouvoir et de la valeur démocratique (les "plateformes coopératives" par exemple), d’autres encore inventent des modèles à mi-chemin entre rentabilité, mutualité et intention sociale. Les courants d’appartenance de ces organisations sont divers (ESS, mouvement startup, milieu du numérique…), mais toutes génèrent des formes nouvelles de flux de revenus et de modes de travail.

Si l’État devra nécessairement se saisir des problématiques soulevées par ces changements, son rôle le plus crucial sera plutôt d’accompagner l’émergence de modèles multi-parties prenantes inventifs, tels que des modèles de partage fondés sur la notion de "commun", des plateformes coopératives, ou encore les initiatives individuelles d’entreprises qui cherchent des solutions (par exemple La Ruche qui dit oui, qui explore un "juste milieu" entre coopérative et actionnariat).

2) L’ubérisation des services n’est-elle pas une menace pour le modèle social européen ? Quelle est, à ce propos, la position de la Commission européenne ?

Plutôt que de parler de menace, mieux vaut considérer les enjeux qui sont posés par une nouvelle économie qui ne disparaîtra pas. Il y a 3 problèmes majeurs :

  • - Droit du travail : Quelle protection sociale pour les travailleurs des plateformes ? Comment envisager le monde du travail et le système social qui le sous-tend à l’heure où les indépendants deviennent majoritaires ?
  • - Fiscalité : Comment tracer les flux financiers autour d’une production distribuée ? Comment faire la distinction entre revenus professionnels et particuliers ? Comment comptabiliser des revenus massifs qui passent par plusieurs nations ?
  • - Concurrence : Comment permettre à une innovation massive et irréversible d’advenir sans nuire aux acteurs qui existaient sur ce créneau ?

Ces enjeux ne concernent pas seulement les manières d’opérer d’acteurs de marché à la Uber. Ils questionnent fondamentalement notre modèle de société, en présentant des opportunités comme des risques. Le travail indépendant émerge dans tous les secteurs, collaboratif ou pas, et va continuer de croître. La traçabilité des revenus fiscaux est questionnée par le numérique et le distribué, lucratif ou non lucratif. L’innovation, quelle que soit sa forme, a toujours fait disparaître d’autres acteurs sans pour autant être dénuée de promesses d’emplois et de consommation responsable.

Le regard que porte aujourd’hui la Commission Européenne est d’obédience plutôt libérale, en prônant l’innovation à la mode "Silicon Valley" : favoriser les innovations de rupture par rapport au statu quo (donc empêcher l’interdiction des plateformes), ne pas appliquer trop de contraintes administratives aux plateformes (collecte des données fiscales, recherche de contenus illégaux…), tout en évitant l’émergence d’une "économie parallèle informelle" à travers une régulation fiscale nationale "raisonnée" qui prenne soin de différencier entreprises locales et multinationales.

Il me semble cependant que plutôt que d’opposer deux visions politiques, libérale vs. inclusive, c’est à nous, et en particulier aux entrepreneurs, utilisateurs et citoyens, de créer des initiatives qui dessinent une société qui nous ressemble, autonome et collective.

3) Comment expliquer ce développement récent ?

En France, les études montrent que l’essor de la consommation collaborative s’est fondé sur 3 motifs : économies financières et génération de revenus d’appoint, choix sociétaux et environnementaux (consommation locale, économie circulaire), et renouer du lien social à travers des rencontres.

Ceci concerne les développements du collaboratif au sein de l’économie classique. Mais plus largement, et plus crucialement, il faut s’intéresser au mouvement profond qui fonde l’avènement de l’économie dite collaborative et/ou numérique. Un double mouvement, technologique (informatique puis numérique) et social (exigences de transparence, d’accès plus que de possession, de participation), a amené un phénomène profond de distribution (ou ouverture) de nos facteurs de production principaux. En d’autres termes, la production des biens et services ne se fait plus à travers des organisations fermées, qui ont le contrôle de leurs actifs, mais à travers une chaîne d’acteurs plus vaste, où les acteurs ont des rôles fluctuants (tour à tour consommateur, producteur, contributeur, professionnel, particulier…), et échangent différents types de ressources selon les moments, que ce soit leurs équipements physiques (appartement sur Airbnb, voiture sur Drivy...), divers services (échanges de services dans une banque de temps, conseils entre utilisateurs de Blablacar…), ou leur force de travail (chauffeurs VTC indépendants, freelances sur des plateformes de missions…). Avec ce phénomène de distribution physique et technologique des actifs, vient un véritable bouleversement des modes de production et de consommation pour lesquels les modes actuels de réglementation et de financement ne suffisent plus.

4) Quels sont les secteurs d’activités les plus concernés ?

Si l’on porte un regard purement "économique", en termes de volumes d’affaires ce sont historiquement les biens d’équipement qui ont porté l’essor de la consommation collaborative via Leboncoin par exemple. Le logement a suivi avec Airbnb par exemple, puis la mobilité a explosé durant ces derniers mois avec une offre foisonnante d’applis VTC (Uber, Chauffeur Privé, Heetch…), et enfin un secteur alimentaire en forte croissance (ex : La Ruche qui dit oui !).

Cependant, parce que l’économie dite "collaborative" bouleverse les systèmes économiques que l’on connaît, l’approche sectorielle n’est pas forcément la plus adaptée pour l’aborder. On peut considérer plutôt son périmètre d’action de façon plus globale, à différents niveaux de l’activité économique : production, consommation, financement, gouvernance, et éducation/savoir.

(Classification réalisée par OuiShare, licence creative commons)




L’économie collaborative est une activité humaine qui vise à produire de la valeur en commun et qui repose sur de nouvelles formes d’organisation du travail. Elle s’appuie sur une organisation plus horizontale que verticale1, la mutualisation des biens, des espaces et des outils (l’usage plutôt que la possession), l’organisation des citoyens en "réseau" ou en communautés et généralement l’intermédiation par des plateformes internet (à l’exception de modèles comme les réseaux d’échanges réciproques de savoirs).

Popularisé par le livre de Rachel Botsman et Roo Rogers, le terme d’économie collaborative et le champ qu’il recouvre ne font pas l’objet d’un consensus. Dans une conception large, l’économie collaborative inclut la consommation collaborative (AMAP, couchsurfing, covoiturage etc.), les modes de vie collaboratifs (coworking, colocation, habitat collectif), la finance collaborative (crowdfunding, prêt d’argent de pair à pair, monnaies alternatives), la production contributive (fabrication numérique, DIY, Fablabs, imprimantes 3D, maker space) et la culture libre.

Elle prend différents types de formes (économie du partage, économie de fonctionnalité dont l’économie circulaire, économie des solutions, économie en pair à pair) selon les types de biens et services concernés ou de la finalité (empowerment du consommateur, éco-efficacité).

Ce type d’économie s’inscrit dans un contexte de défiance des acteurs institutionnels du système capitaliste traditionnel, de crise économique mais aussi d’éthique environnementale.

Son essor est dû à l’utilisation des nouvelles technologies permettant d’améliorer la créativité collective et la productivité. Il répond également au désir de pratiques écologiques et de relations sociales plus conviviales.

Une alternative incertaine

La substitution de l’économie collaborative à l’économie capitaliste n’est pas assurée. D’une part il lui faudra trouver ses propres modes de financement. D’autre part fondée souvent sur des rapports entre individus elle requiert la confiance.
Enfin les entreprises fonctionnant sur une base capitaliste se rentabilisent également en fonctionnement collaboratif. C’est le cas de Uber et de Blablacar dans le partage de voitures, Airbnb dans le logement, Lending Club dans le financement et pour les dépôts-ventes dans les vêtements ou les biens. Elles trouvent facilement des capitaux financiers et font des bénéfices à l’instar des autres entreprises capitalistes.
Blablacar a procédé à une levée de capital de 100 millions de dollars et a racheté successivement l’européen Car.pooling, le hongrois Auto-Hop et le mexicain Rides.
Uber France transfère ses bénéfices à sa maison mère aux Pays-Bas. Des entreprises capitalistiques normalement non collaboratives intègrent également des comportements collaboratifs dans leurs activités habituelles. Leroy Merlin teste la vente de produits d’occasion. Decathlon ou M. Bricolage servent d’intermédiaires dans la vente, voire la location, de matériel d’occasion entre particuliers. Facebook utilise la production participative (crowdsourcing) pour améliorer les services qu’il fournit à ses utilisateurs. Ceux-ci peuvent développer de petits logiciels connexes et les greffer à son code informatique. Amazon accroît son audience en diffusant les avis, qu’ils soient bons ou mauvais, de ses clients sur ses produits et en servant d’intermédiaire dans la vente de produits d’occasion.

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_collaborative


L’uberisation (ou ubérisation), du nom de l’entreprise Uber, est un phénomène récent dans le domaine de l’économie consistant à l’utilisation de services permettant aux professionnels et aux clients de se mettre en contact direct, de manière quasi-instantanée, grâce à l’utilisation des nouvelles technologies. La mutualisation de la gestion administrative et des infrastructures lourdes permet notamment de réduire le coût de revient de ce type de service ainsi que les poids des formalités pour les usagers. Les moyens technologiques permettant l’« uberisation » sont la généralisation du haut débit, de l’internet mobile, des smartphones et de la géolocalisation. L’uberisation s’inscrit de manière plus large dans le cadre de l’économie collaborative.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Uberisation


OuiShare est une communauté globale et un think-and-do-tank. Leur mission est de construire et développer une Société Collaborative en connectant les personnes, les organisations et les idées autour de l’équité, de l’ouverture et de la confiance. Ils sont persuadés que les systèmes économiques, politiques et sociaux basés sur ces valeurs peuvent résoudre un grand nombre de problèmes auxquels le monde fait face, et permettre à chacun d’accéder aux ressources et aux opportunités nécessaires pour s’épanouir.

http://ouishare.net/fr






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