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Jean-François Draperi

géographe, sociologue, enseignant-chercheur au Cnam

Le "social" est-il un business ? 

jeudi 17 mars 2022 18h00

co-organisée avec le Mouvement Associatif de Bretagne, ADESS Cornouaille-pôle de l’Economie sociale et Solidaire, Espace Associatif de Quimper, Ligue de l’enseignement, CAE Chrysalide, ACTES en Cornouaille et La liberté de l’esprit


Jean-François Draperi, géographe, sociologue, enseignant-chercheur au Cnam, rédacteur en chef de la revue RECMA jusqu’en 2021, auteur de "Ruses de riches" (Payot / 2020) et « Le fait associatif dans l’occident médiéval » (Le bord de l’eau/ 2021).

 Comment les associations et l’ESS créent-elles de la richesse ?
 La coopération est-elle l’opposé de la compétition ?
 Le monde associatif doit-il trouver son modèle économique dans l’économie marchande ?
 Quelles articulations sont-elles envisageables entre service public, tiers secteur et économie marchande ?
 Comment les associations répondent -elles aux besoins des territoires ?
 Comment les lois du marché s’immiscent-elles le champ du social ?

Entre 5 000 et 13 000 milliards de dollars par an : bienvenue dans le monde très cynique du business social… Le business social  ? C’est nouveau, ça vient des États-Unis, et ce n’est pas très social. Une date  ? Depuis l’an 2000. Un objectif  ? Appliquer les méthodes du capitalisme financier aux activités sociales. Des moyens  ? Les grandes fondations, les start-ups sociales, la théorie dite BOP, et l’art de détourner le sens des mots qui ont un sens (émancipation, environnement, écosystème, coopération, intérêt général). Un risque  ? La mort du lien social. Une conséquence  ? L’augmentation de la fortune des plus riches et l’accroissement des inégalités.

Partant d’une vraie question : pourquoi ceux qui ont le plus contribué à casser l’économie réelle sont-ils ceux qui, quelques années après, prétendent résoudre la question sociale  ?, ce livre ne critique évidemment pas la sincérité des projets des start-ups sociales, mais il nous alerte sur l’un des nouveaux visages du capitalisme pour que nous ne participions pas involontairement à une idéologie que nous réprouvons profondément. Exemples à l’appui, il rappelle qu’il existe depuis longtemps des alternatives efficaces, fondées sur un autre modèle que les riches combattent. Et si l’on osait se passer des riches  ?




Messages

  • Exposé de Mr Jean-François Draperi

    Le social est il un business ?

    Il y a 10 ou 20 ans, cette question ne se serait pas posée ; ça ne serait venu à l’idée de personne . Par le moyen d’appels d’offres, le mouvement associatif est mis en concurrence avec des sociétés de capitaux qui font du business . Nous avons été très choqués en apprenant l’exploitation économique et financière de certains EHPAD . L’ouvrage intitulé " Les Fossoyeurs " écrit par Mr Victor Castanet nous a scandalisés . L’EHPAD représente seulement pour certains un bon placement garanti à 10% . Ils osent même parler d’exploitation des cheveux gris .

    Pourtant le social, c’est d’abord le lien social, ce qui constitue la société . Si on fait du social un business, on détruit la société dans le but d’un enrichissement personnel . Alors où on en est et comment en est on arrivé à se poser cette question ?
    Jusqu’à la Renaissance au 14ème siècle et au 15ème siècle, le lien social est fondamental en dépit qu’on soit dans une société d’ordre et de l’idée qu’on se fait du Moyen-Âge . En l’an 1000 et 1300, on traverse une période lumineuse où il y a une explosion d’associations . On voit apparaître les Guildes, les Confréries, les monastères, les communes, les chartes de libertés . Une mise en avant de l’entraide et de la solidarité est réalisée . A la Renaissance tout ceci disparaît, c’est l’humanisme qui place l’homme au centre, l’homo faber qui transforme le monde, soumet la nature . Prométhée qui était une figure négative dans l’Antiquité grecque, devient une figure positive . L’homme se libère pour le meilleur et pour le pire avec les grandes découvertes, les premiers génocides . L’Occident s’empare du monde . On assiste à un bouleversement complet des comportements . La Renaissance inaugure la naissance du capitalisme, la disparition des communes . Machiavel prône le principe de l’absolutisme du pouvoir du Prince qui est seul juge pour agir au nom de la raison d’Etat . A cette époque, on observe l’ascendance des Médicis, les philanthropes de l’art ; Ils soutiennent Léonard de Vinci, Botticelli . Il y a donc une marchandisation de l’art, de la culture, une prise de pouvoir de l’économie sur le politique et sur le social qui avait déjà commencé au 15ème siècle . Avec le siècle des lumières, éclate l’individualisme . La révolution de 1789 met en place la démocratie . Plus tard, naissent des coopératives qui intègrent la politique dans l’économie . Elles se développent quelque temps face aux entreprises capitalistes . Cependant on est resté dans une économie dominée par le Capital .

    En 1975, les épargnants se rendent compte que le placement des actifs est divisé par deux par rapport à 1967 . En moins de 10 ans, on est passé de 14% à 7% dans le rendement des actifs dans l’industrie . En 1975 à Wall Street, ce ne sont plus les grands actionnaires du pétrole, ni les grandes fortunes comme Ford, Carnegie, Rockefeller, ni les grosses industries qui influencent les cours de bourses, mais les fonds de pension alimentés par l’enrichissement des classes moyennes . Ces derniers veulent assurer leurs pensions de retraite et sont devenus les principaux acteurs boursiers .

    A ce moment-là, commence la marchandisation du social . Des associations d’actionnaires gérées par des jeunes qui ont fait des études juridiques ou des écoles supérieures de commerce vont peser sur la Commission de Sécurité des Acteurs Boursiers pour libéraliser la bourse . Ils y parviennent pour faire des opérations spéculatives . Elles consistent à acheter des entreprises pour les démanteler . Ensuite ils les revendent en encaissant les bénéfices restants après avoir remboursé les emprunts . Ainsi on gagne davantage à spéculer en bourse plutôt qu’à investir dans
    l’industrie . Ces traders vont être sanctionnés . Malgré tout, ils amassent de grandes fortunes et les placent dans les fondations au régime fiscal avantageux et parfois, selon les statuts, entièrement défiscalisées . Ces fondations vont financer des entreprises qui s’intéressent au social et à l’environnement . L’entrepreneur social naît donc avec l’alliance de la charité et du business .

    Les délocalisations d’entreprises vers des pays où la main d’œuvre a un coût salarial beaucoup moins élevé, a crée un important chômage de masse dans les pays occidentaux . Ces pauvres deviennent un marché à conquérir en tant que consommateurs . Deux auteurs américains ont écrit un ouvrage " la fortune est à la base de la pyramide " . Les multinationales font 80% de leurs chiffres d’affaires auprès de moins d’un milliard d’habitants . Donc, le marché est en bas . Ils estiment ce marché à 13 milles milliards par an . Bernard Arnault estime le marché du luxe à 300 milliards d’euros par an .

  • Exposé de Mr Jean-François Draperie ( Suite )

    Le " social " est il un business ?

    4 milliards d’habitants vivent avec moins de 5 milliards de dollars par jour. L’estimation est entre 5 milles et 13 milles milliards de dollars si on arrive à toucher ce marché . Certains affairistes vont se lancer là-dedans en s’aidant du micro crédit délivré par les banques d’affaires . Celles-ci proposent un taux usuraire entre 25% et 30% . Pour se justifier ces soi-disant banquiers du social déclarent que les frais d’intermédiation sont très élevés . Dans ces cas d’espèces, on n’est plus dans l’émancipation ou l’action sociale .

    De pareilles transactions se passent surtout dans l’hémisphère sud en particulier en Inde. Ces pratiques sont plus difficiles à réaliser dans l’hémisphère nord où il y a des politiques publiques, un secteur associatif puissant, des mutuelles importantes . Comment alors toucher les pauvres dans notre hémisphère ? Les seules possibilités qui s’offrent à eux, est de passer par les associations, l’Etat, les Mutuelles . Les associations deviennent alors un marché pour les fondations et les groupes d’investissements . Donc, l’argent public devient un marché .

    Ces affairistes qui ont un discours hyperlibéral sont les premiers à aller chercher de l’argent public . L’Etat Providence est détricoté . Des cabinets de consultants préparent les dossiers pour les ministres . Un lobbying se met en place pour défendre des intérêts privés auprès des responsables politiques . Lorsqu’une loi est en préparation, les affidés des lobbies consultent les députés . Tous les moyens sont bons pour orienter leurs choix, y compris ceux qui sont illégaux . L’Etat s’adapte d’autant plus facilement qu’il est composé de personnes qui font des allers-retours entre le public et le privé pour se rédiger un bon carnet d’adresses .

    La Commission Européenne, composée de représentants libéraux, se laisse souvent manœuvrer par ces agents influents des milieux d’affaires . Les multinationales échappent au fisc, elles provisionnent leurs comptes plutôt que de payer l’impôt à l’Etat . Cette prise de risques n’est pas dangereuse pour elles . Même si elles sont prises en flagrant délit de fraude fiscale, des ténors du barreau sauront les défendre pour diminuer leurs amendes jusqu’à la portion congrue . Dans tous les cas, elles y gagnent sur le long terme . Dans les Ecoles Supérieures de Commerce, on apprend ces stratégies financières .
    De puissants cabinets d’affaires font pression sur la CE . Une Association Internationale d’experts économiques et comptables vient définir les règles comptables dans chaque continent, y compris dans le continent européen . Ils vont discréditer les banques coopératives comme le Crédit Mutuel, le Crédit Agricole, la Banque Populaire et la Caisse d’Epargne ou BPCE en proclamant qu’elles ne sont pas cotées en bourse . En effet, ils n’admettent pas qu’autant d’actifs échappent au capitalisme financier favorable aux multinationales et aux actionnaires spéculateurs qui déclenchent pourtant des crises économiques .

    Le MEDEF a beau jeu de déclarer : " Il n’est pas normal que le Crédit Mutuel achète une société en bourse alors que le Crédit Mutuel n’est pas opéable . Parallèlement, on transforme les règles comptables . Les parts sociales des banques coopératives ne doivent plus être considérés comme des fonds propres mais comme des dettes .

  • Exposé de Mr Jean-François Draperi ( Suite )

    Le social est il un business ?

    On applique donc à ces banques coopératives un raisonnement capitaliste pour déstabiliser complètement leur équilibre financier . Le mouvement coopératif se bat continuellement auprès des politiques . Il alerte sans cesse sur une mise en danger de ses statuts . Toute l’économie sociale est touchée . Les banques d’affaires comme HSBC, Hong Kong and Shangaï Banking Corporation Limited dont le siège social est à Londres, attaquent pour étendre leur pouvoir capitaliste . Tous ces liens sociaux deviennent des proies parce qu’on peut faire du business avec .

    Dès 1901, les associations ont été des partenaires de l’Etat dans la construction des politiques publiques . L’aide sociale est née de l’action sociale . Les coopératives d’activités sont nées avant qu’il y ait les statuts de coopératives d’emplois . C’est une conquête de la société civile . Dans le système du handicap, cette même logique de création s’est appliquée . Les parents ont commencé à se mobiliser pour qu’il y ait une prise en charge du handicap . Les classes populaires et les classes moyennes se rassemblent pour constituer un droit statutaire . A partir du moment où les subventions se transforment en appels d’offres concurrentiels, les associations perdent le statut d’être coproductrices et conceptrices des politiques publiques .

    Alors qu’en 2001 à la date du centenaire de la loi de 1901, il y a une Charte de soutien de l’Etat au secteur associatif, on constate qu’il y a un changement de la nature de l’Etat . L’Etat a toujours une double nature . Il est au-dessus de la République depuis 1871, mais il est aussi un objet de luttes des classes sociales . Quand Giscard d’Estaing est arrivé au pouvoir, on a vu que son capitalisme n’était pas le même que celui de Pompidou ou de De Gaulle . Il se forme une nouvelle configuration de l’Etat qui va promouvoir l’entrepreneuriat social à travers les appels d’offres . Ceux qui représentent la sphère sociale en Europe ou en France viennent des Ecoles de Commerce . Le conseiller social de Macron est Borello . En 1984, Jean-Marc Borello fonde avec Régine l’association SOS Drogue International .En 2010, ce même monsieur devient le premier président du Mouvement des entrepreneurs sociaux qu’il contribue à créer . Jean-Marc Borello est alors surnommé " le Bernard Tapie " " l’industriel du social " ou "Vivendi " par la presse .

    Ces jeunes qui sortent des Ecoles de Commerce, n’apprennent pas le fait associatif . Ils s’intéressent à la pyramide des classes sociales et à la formation de SAS ou Société Anonyme Simplifiée . Les SAS fonctionnent plus vite . On perd moins de temps à discuter que dans les coopératives . Seulement le dialogue est le prix de la démocratie pour défendre le bien commun . La vérité c’est que dans les associations il n’y a pas de capital et dans les coopératives il y en a peu . Au contraire dans les SAS, on peut toucher le jackpot . On construit un bel algorithme avec une belle
    plate-forme pour gagner beaucoup d’argent .

    Comme disait Jacques Moreau, un des fondateurs de l’économie sociale, c’est la plus forte pente qui l’emporte et la plus forte pente qui l’emporte, c’est la rémunération du capital . Ces jeunes sont formés dans une logique capitaliste . Ils sont dans des réseaux avec des cabinets de consultants . Ils se portent candidats dans des fondations qui organisent des concours du meilleur plan ou du meilleur business plan . Ils calculent la meilleure levée de fonds en maximisant un effet de levier bénéficiaire . Ils tentent avec plus ou moins de succès d’allier le capitalisme financier avec la recherche d’un meilleur impact social qui est incontournable aujourd’hui . L’Etat s’empare de tous ces termes dans sa communication de même que les Universités .La Harvard Business Scholl, détenue par les multinationales aux USA, oriente les élites économiques dans l’emploi de cette terminologie ultra-libérale .

    Les multinationales déposent des appels d’offres auprès des chercheurs qui utilisent ces termes capitalistes . Ceux-ci sont publiés dans la revue super cotée de la Harvard Business Scholl . De cette manière, ils acquièrent la caution bourgeoise et scientifique qui leur manquait . Au début de telles pratiques étaient aux limites de la légalité voire sanctionnées d’illégalité dans le système économique . De nombreux affairistes ont été en prison ou ont payé de fortes amendes pour éviter l’emprisonnement . Mais quelque temps après, ils arrivent à se faire pardonner parce qu’ils s’investissent dans une philanthropie apparemment généreuse, mais en en fait véritablement lucrative . Ils créent des start-ups qui se présentent sur le marché . Ils peuvent investir dans les EHPAD, les crèches, les aides aux prisonniers pour proposer des activités, dans l’édification d’un restaurant en prison comme aux " Baumettes " à Marseille . Dans le même cas d’espèce, Xavier Niel, un des milliardaires français a créé " La Ruche qui dit oui " qui est juste une marque de société . Xavier Niel a amassé auparavant une grosse fortune, d’abord dans le minitel puis depuis quelques années en créant Free Télécom.
    Ces carriéristes commerciaux ont vu que les Amaps, organisés en circuits courts, marchaient bien . Dans un premier temps, ils aident les Amaps . Mais les Amaps réagissent contre la mise en place d’une plateforme qui empoche une marge de 11% .

  • Exposé de Mr Jean-François Draperi ( Suite )

    Le " social " est il un business ?

    L’entrepreneur social, souvent un jeune, s’autoexploite volontairement . Il gagne moins de 2 euros ou 3 euros l’heure . Mais il a le sentiment de faire quelque chose d’utile pour la communauté . Pour parfaire son montage de société, il s’adresse à un troisième intermédiaire . Donc, trois intermédiaires s’interposent entre le producteur et le consommateur final . Il faut que le producteur rentre dans certaines normes pour avoir les quantités commandées .

    Selon un modèle différent, il est créé un système qui ressemble à la grande distribution . Mais cette alternative a finalement paupérisé le travailleur en exploitant l’enthousiasme de jeunes gens, animés de bonnes intentions . L’Amap dans sa définition originelle est un circuit court et peut être aussi un échange de gré à gré . Phénix récupère les déchets pour alimenter les pauvres, mais les pauvres ne sont plus assez nombreux pour acquérir tout ce que la société récupère . De pareils projets déterminent une segmentation du marché . Plus il y a de riches qui gagnent encore plus, plus il y a de pauvres .

    Plus il y a de segments de marchés, plus il y a du business . Ce marché s’appuie sur une réallocation des richesses des plus riches vers les marchés les plus pauvres . Plus il y a d’inégalités et mieux ce système fonctionne . On est à l’inverse de ce qui fonde l’association . Les valeurs de l’économie égalitaire et solidaire ne sont plus protégées . Il s’ensuit que les inégalités se sont accrues considérablement au cours des dernières années . En 2010, 400 milliardaires possédaient autant que 50% des pauvres de la planète ou 3,8 milliards de personnes . En 2014, le nombre de milliardaires pour la même proportion de pauvres tombe à 100 et en 2020 à 20 . Les années Covid leur ont été bénéfiques .

  • Exposé de Mr Jean-François Draperi ( Suite )

    Le " social " est il un business ?

    Ce circuit économique qui s’apparente à du management capitaliste, alimente les fonds d’investissements des entrepreneurs sociaux, ce qui entraîne à son tour de nouveaux entrepreneurs sociaux à faire des appels de fonds d’investissements . Ces fonds d’investissements rémunèrent allègrement . On dérive alors aux antipodes du monde associatif et cette même transformation ultra-libérale se passe aussi au niveau du gouvernement .Quand Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des TPE et des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme depuis le 04/07/2022, trouve 21 millions pour le monde associatif, Cédric O, secrétaire d’état chargé du numérique depuis le 31/03/2019, trouve 5 milliards d’euros pour les startups pendant le premier confinement .

    Donc l’entrepreneur soi-disant social fait un appel de fonds . Il lance son marché ; ça marche ou ça ne marche pas, peu importe . L’essentiel est de se mettre dans une dynamique qui lui permet d’espérer d’être leader sur le marché . Si cette opportunité est assurée, il est financé . On a les exemples expressifs de Uber, mais aussi de Doctolib qui sont des licornes de plus de
    1 milliard de chiffre d’affaire . Uber n’est pas rentable depuis 8 ans, il n’a jamais été rentable . Peu importe, il est devenu un leader incontournable .

    Beaucoup de startups sociales captent des opportunités . Je connais deux frères à Lyon . Ils ont commencé à livrer des repas à domicile à vélo . Progressivement, ils se sont professionnalisés en faisant des levées de fonds de l’ordre de 300 millions d’euros . Une fois bien installés, ils ont été rachetés par Carrefour parce qu’ils avaient un carnet d’adresses d’une grande valeur . Ils avaient plus de 20 000 clients répartis sur trois villes : Lyon, Valence et Vienne .

  • Exposé de Mr Jean-François Draperie ( suite )

    Le " social est il un business ?

    L’Etat accompagne ce mouvement d’appel d’offres publiques . Parfois même, l’Etat anticipe avec un contrat de pacte social . Ce dernier a été heureusement modifié légèrement en France .

    Par contre, en Angleterre, c’est un ancien banquier affairiste de Goldman Sachs qui a monté un système opérationnel ultra-libéral . Son système comprend un entrepreneur et des investisseurs . Les investisseurs financent l’entrepreneur . Un évaluateur qui a fait les mêmes études que l’entrepreneur, fait le point sur la situation présente, explicite les potentialités du marché à saisir, met en ligne les prévisions économiques et financières en vue de l’encaissement d’un certain profit .
    Par la suite, l’Etat anglais rembourse les investisseurs avec un rendement au capital . Il s’agit donc d’une instrumentalisation du social ou d’une subordination du social au service d’une rentabilité économique .

    Au cours des différentes époques de l’histoire, diverses formes du capitalisme se superposent : le capitalisme commercial au 16ème siècle, le capitalisme industriel au 19ème siècle, le capitalisme financier qui se développe sans cesse aujourd’hui . Maintenant, avec un peu d’ironie, on pourrait l’appeler le capitalisme humaniste ou plus exactement le capitalisme transhumaniste avec Elon Musk, Jeff Bezos .

    Il s’agit en effet d’investir dans l’homme augmenté . Après avoir bien exploité les ressources de la terre et causé sa destruction, ils se préparent à aller sur une autre planète, tant pis pour les autres terriens à la vie négligeable . Nous ne sommes pour eux que des gens de rien . Cette expression a été utilisé le 27 juin 2017 par un certain président de la république à l’occasion de l’inauguration d’une start-up .

    Alors que peuvent faire des gens comme nous ? Il serait bon d’avoir une conduite sociétale plus ample que celle d’aujourd’hui . Ceci ne veut pas dire ; changer totalement nos pratiques . On est toujours à un moment où les populations ont des besoins spécifiques . Mais il ne faut pas nuire au bon fonctionnement de l’ordre naturel de la planète . Les économies solidaires et le mouvement associatif ne peuvent pas répondre seulement à des besoins spécifiques . Les associations participent à une co-construction de la politique publique ; elles viennent en appui pour un projet d’ampleur .

    Les fondations des milliardaires ne soutiennent pas des programmes qui réduisent les inégalités . L’enrichissement constant des plus riches appauvrit les plus pauvres . Il n’y a plus, comme on l’a connu dans le passé, le guide national qui tire tout un peuple vers le haut . L’obligation nous est donc faite de réfléchir ensemble . Nous ne pouvons plus faire confiance aux universitaires . Ce sont des personnes comme les autres ; ils font carrière . Il vaut mieux faire appel aux praticiens qui ont la connaissance et l’expérience du terrain . Ce qui nous intéresse, c’est de transformer le monde économique actuel qui nous mène dans le mur sociologiquement et écologiquement parlant . Comment on fait ? On doit travailler ensemble poser les vraies questions, les fondamentaux qui s’appuient sur la démocratie, l’expression des besoins des gens . Par la démocratie associative, on peut lutter contre le social-business .

  • Les Fossoyeurs .

    " Le social est il un business ? "

    Au début de son exposé, Mr Jean-François Draperie nous a rappelé l’existence de certains EHPAD qui n’hésitaient pas à traiter les personnes âgées comme des marchandises . Il faisait référence au livre de Mr Victor Castanet " Les Fossoyeurs " . Dans cet ouvrage, l’auteur nous décrit les mauvaises conditions de prise en charge de retraités âgés fortement diminués et sans réaction de défense . La faute n’incombe pas au personnel soignant, mais au directeur régional, complètement coupé du terrain des soins . Celui-ci prend des décisions pour minimiser les coûts et maximiser les profits .

    Mr Victor Castanet après avoir entendu des témoins lui relatant la gestion scandaleuse du groupe international des EHPAD Orpéa, a décidé de mener son enquête . Le groupe " Orpéa " gère aujourd’hui plus de 110 000 lits, répartis dans plus de 1110 établissements, sur 23 pays et 3 continents . Mr Victor Castanet s’est donc rendu à Neuilly à l’Etablissement des Bords de Seine .

    Aux Bords de Seine, la chambre d’entée de gamme d’une vingtaine de mètres carrés coûte près de 6500 euros par mois et les tarifs grimpent jusqu’à 12000 euros pour la grande suite avec salle de bain et dressing . 380 euros par jour et par an soit six fois le tarif moyen d’un EHPAD .
    Le hall d’entrée de la résidence est magnifique . On a l’impression d’être au paradis des personnes âgées . On y voit un tapis rouge, deux vases gigantesques, une moquette de cinq centimètres d’épaisseur, un fameux piano sur la gauche, des fleurs partout, en particulier de belles orchidées blanches .

    Une aide-soignante se confie . Si l’entrée de l’établissement était somptueuse, il en était pas de même dans les unités de soins aux différents étages . Une mauvaise odeur y régnait en permanence ; tout simplement parce que les résidents n’étaient pas changés assez régulièrement . Les couches étaient rationnées au nombre de trois par 24 heures . Peu importe que le résident soit malade, qu’il ait une gastro, qu’il y ait une épidémie . Souvent l’aide-soignante était obligée de laisser la personne dans ses excréments pendant plusieurs heures . Peu importe l’odeur, les conséquences sur sa santé et son bien-être .
    ( à suivre )

  • Les Fossoyeurs ( suite )

    " Le social est il un business ? "

    Les pénuries touchaient presque tous les produits nécessaires à la prise en charge . Il manquait de gants de toilettes jetables, de draps ou encore de serviettes de bains .Maintes fois, il n’y avait qu’une serviette pour trois résidents . Le rationnement concernait également la nourriture . Au petit déjeuner, c’était deux biscottes . Au goûter, c’était une madeleine . Souvent, il n’y avait pas de lait le matin . En effet, les directeurs avaient des primes s’ils faisaient des économies .

    Il y avait aussi un manque de personnel . Dans l’unité protégée du quatrième étage, habitée par quatorze résidents aux pathologies complexes et comportement instable, étaient présentes seulement deux personnes en service . Souvent, il n’y avait qu’une seule personne du matin au soir, de 7h30 à 19h30, pour les gérer, les changer, leur faire à manger, les occuper . Pourtant un tiers de ces postes d’auxiliaires de vie et la totalité des postes d’aides-soignantes ne sont pas payés par les établissements, mais par les dotations publiques . Il y avait donc une fraction importante de reversement frauduleux de ces dotations publiques sous forme de primes aux directeurs régionaux et à ses collaborateurs directs . C’est pourquoi aujourd’hui, crise de confiance dans les élites, coup de cafard des peuples .
    La nuit, on ne comptait régulièrement que trois personnes pour s’occuper de toute la résidence, dotée de 125 lits : une pour chaque unité protégée et la troisième pour s’occuper du reste des étages . Il s’agissait d’aides-soignantes ou d’auxiliaires de vie . Et il n’y aurait pas eu d’infirmier sur site, en cas d’urgence médicale .

    Des dysfonctionnements sont observés à tous les étages . Il y a des vols répétés et presque toujours non élucidés : des vêtements de marque qui disparaissent, une bague, un collier qu’on ne retrouve plus sur sa table de chevet . Et bien sûr les réserves en liquide des résidents qui s’évaporent comme par magie . Ces cas typiques se passent dans les établissements haut de gamme où il y a un personnel soignant mal formé, sous-payé qui vit au SMIC et travaille dans des conditions indignes .

    Certains médecins abusent de cette situation chaotique . Ainsi, des médecins de la résidence prenaient souvent l’initiative de venir tous les mois ou toutes les deux semaines rendre visite à plusieurs de leurs patients . Tant que la famille ne leur demandait pas d’arrêter, ils continuaient . Ils renouvelaient les ordonnances et facturaient chacune entre 80 et 100 euros .

    Il y avait aussi un dentiste qui faisait payer les plombages 1200 euros . Parfois même en cash . Et personne ne disait rien .

  • Les Fossoyeurs ( suite )

    " Le social est il un business ? "

    Pour comprendre la gestion d’un EHPAD, il faut détailler, par le menu, ses différents moyens de financement . Les EHPAD, qu’ils soient privés ou publics, ont trois sources de revenus distinctes . Tout d’abord, le tarif
    " Hébergement " payé par le résident ; il rémunère une prestation hôtelière qui comprend entre autres, la restauration, la mise à disposition de la chambre, et l’entretien de l’établissement . Ensuite, il y a le forfait
    " Dépendance " qui est réglé, en grande partie, par le conseil départemental. Cela est mesuré par le système GIR en 6 niveaux . Enfin, il y a le forfait
    " Soins " qui est pris en charge par l’Assurance Maladie et réglé par les agences régionales de santé ( ARS ) ; cela comme la prise en charge médicale quotidienne .

    Le modèle économique des EHPAD repose, en grande partie, sur de l’argent public . Ces sommes leur sont versées directement pour des dépenses prévues à cet effet . Les aides-soignantes, les infirmiers, les médecins coordinateurs, les psychologues, les kinésithérapeutes qui interviennent au quotidien dans les EHPAD sont financés à 100% par les dotations publiques . Les auxiliaires de vie ou agents des services hospitaliers ( ASH ) qui se chargent de l’entretien des locaux ou de l’aide aux repas sont eux, payés à 30% par des fonds publics .

    Les ARS et les conseils départementaux prennent également à leur charge l’achat ou la location des lits médicalisés, des fauteuils roulants, des chariots, de l’ensemble des équipements médicaux d’un établissement ainsi que les protections hygiéniques des résidents, l’ensemble des dispositifs médicaux nécessaires à leur prise en charge ( pansements, matériel de perfusion, sets anti-escarres...etc… ) les compléments alimentaires ou encore, et c’est plus étonnant, une partie des produits d’entretien de la résidence et une partie du budget lingerie .

    Les dotations publiques représentent souvent entre un et deux millions d’euros versés chaque année directement à chaque résidence du groupe Orpéa . Et donc des dizaines, voire des centaines de millions d’euros pour l’ensemble d’un groupe privé d’EHPAD tel que Orpéa . De l’argent public sur lequel il n’y a, évidemment en théorie, pas le droit de faire une quelconque marge que ce soit . En fait, ce droit n’était pas respecté .

    Il a été constaté aussi une particularité intrigante : l’établissement faisait appel de manière massive à des vacataires, des hommes et des femmes qui interviennent pour des missions de courte durée et cela sur presque tous les postes financés par l’argent public : infirmiers, aides-soignantes, auxiliaires de vie . Cette rotation rapide du personnel permettait de rédiger des CDD de remplacement en inventant des personnes à remplacer . L’argent public, versé pour des fantômes, allait dans les poches des directeurs régionaux et de leurs proches collaborateurs .

  • Les Fossoyeurs

    " Le social est il un business ? "

    Les directeurs d’EHPAD ou d’Etablissement, au début de leur recrutement, doivent tous signer une délégation de compétences et de missions . Dans ce document, il est indiqué que " le groupe Orpéa ne reconnaît aux directeurs d’exploitation cest à dire des EHPAD ni autonomie, ni délégation en matière de gestion des ressources humaines " . Même chose concernant les budgets . Orpéa ne leur reconnaît " ni autonomie, ni délégation, en matière financière " . Ils doivent " sous la responsabilité de la direction générale, et en lien avec la direction régionale, mettre en application les budgets définis, suivre les indicateurs de gestion et de contrôle budgétaire et effectuer les achats dans le strict cadre du budget défini et auprès des fournisseurs référencés " .

    Les directeurs d’EHPAD ne sont parfois que de simples exécutants, voire des figurants . Il leur est demandé de jouer avec des petits sous, de ne pas dépasser des lignes dans un logiciel . C’est le directeur général délégué en charge d’exploitation, un homme retranché au siège d’Orpéa, un spécialiste des restructurations d’entreprises, un gestionnaire qui n’avait au départ aucun lien avec le secteur de la santé qui décide si oui ou non tel établissement a besoin d’un poste d’aide-soignante en plus ou d’un budget plus important pour la restauration, les protections ou les dispositifs médicaux .

    Celui qui pilote véritablement les établissements avec des tableaux Excel, des logiciels de comptabilité, depuis son bureau de Puteaux . Les conséquences de cette mise à distance sont la deshumanisation, la gestion exclusivement comptable de la prise en charge d’êtres humains vulnérables .

    Le groupe Orpéa faisait de l’optimisation de masse salariale . Et cela de manière très poussée . Lorsque le directeur d’EHPAD demandait à son supérieur hiérarchique l’accord pour recruter du personnel en plus, le supérieur hiérarchique répondait qu’il n’avait pas eu l’autorisation de la direction générale . En effet, la direction générale n’évaluait pas la masse salariale en fonction des besoins des patients des EHPAD, mais en fonction du taux d’occupation de la résidence . Un commentaire du directeur de la division Île de France revenait souvent : " Masse salariale pas optimisée, merci de trouver une solution d’économie " . C’est pourquoi, le personnel était en permanence en sous-effectif .

    Les soi-disantes élites de cette gouvernance menaient une stratégie de gestion abominable et impitoyable envers nos aînés traités comme des marchandises ou réduits à l’état de choses .

  • Mr Jean-François Draperie nous a déclaré que les coopératives avaient de plus en plus de mal à exister en France . Il en est ainsi de Scopelec, la plus grande coopérative française des Télécoms qui passe entre les mains du groupe Circet . Crée en 1973, la SCOP n’a pas survécu à la perte d’un important contrat avec Orange qui représente 40% de son activité . Au total 1049 salariés sont repris sur 2212 soit 47,42% des salariés . Orange a préféré passer un contrat avec l’entreprise luxembourgeoise " Solutions 30 " . Le siège social de cette dernière est située dans le paradis fiscal du Luxembourg .



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