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Accueil > Sciences humaines et sociales > Philosophie > Hélène L’Heuillet Hélène L’Heuilletphilosophe, psychanalyste et maîtresse de conférences en philosophie politique et éthique à l’Université Paris-SorbonneDe l’intolérance à la haine... vendredi 6 mars 2020 19h00 Dans cet essai passionnant, Hélène L’Heuillet envisage les mouvements populiste et jihadiste comme des effets de ce nouveau rapport à la haine. Rien d’étonnant dès lors à constater qu’ils attirent ceux qui sont nés au sein même de ces discours, qui ont été socialisés par eux, bercés par leurs rengaines : les jeunes. Voir en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%... Un message, un commentaire ? | |
Messages
De l’intolérance à la haine...
La haine a tendance à grignoter beaucoup de débats . Elle transforme tous les différents points de vue en guerre . On assiste à des formes de guerre en famille,dans la société .Le simple argument est pris par l’autre comme une menace dans son existence . Les gens deviennent facilement intolérants . L’existence de l’autre serait elle intolérable ? Il faut se situer . Est on pour ou contre la haine ? Il est nécessaire de repartir du rapport à l’autre,de choisir une disposition d’esprit .
L’intolérance rend allergique à l’altérité,détermine à ne pas pouvoir supposer une existence sociale de l’autre . Haïr les autres,c’est être allergique à l’altérité et par effet de rebond c’est être allergique à soi . Après un acte regrettable,on s’interroge . Pourquoi j’ai fait ça ? Pourquoi j’ai dit ça ? Qu’est ce qu’il m’a pris ?
Le progrès nous permet de franchir les océans,les déserts et pourtant il arrive souvent qu’on ne punisse pas se supporter entre voisins . Les frontières sont redoublées de murs . Nous sommes hantés par l’illusion de la terreur de l’autre .
Qu’est ce qui nous est arrivé et pourquoi ?
Pourquoi la haine ?
Ce sentiment extrême pose un problème moral . Il convient de chercher les raisons de la haine . La haine entraîne une destruction du langage,diminue la capacité de réfléchir . On en arrive à nier l’autre,à la négation de son existence . Pourtant on ne peut pas penser sans altérité . Il faut la présence des autres pour parler . La haine détruit les conditions du langage et de la pensée . Elle aboutit rapidement à échanger des insultes entre les interlocuteurs .
Le débat contradictoire,la conflictualité sont souhaitables pour expliquer,éclaircir des questions complexes . Mais aujourd’hui, on observe souvent que la confrontation d’idées se transforme vite en haine surtout s’il s’y ajoute de l’intolérance . L’adolescent,pendant son évolution vers l’âge adulte,est emmené à connaître nécessairement l’expérience psychique de la séparation . Cette situation le met souvent de nos jours dans une forme de haine .
Dans notre époque tourmentée,on voit apparaître un phénomène nouveau de jouissance de la haine . Il faut montrer à son entourage que l’on n’est pas bisounours . Cette mauvaise humeur extravertie démontre aux autres que l’on n’est pas dupe de l’hypocrisie de la société . Par contre,si on la considère comme une valeur de référence,c’est une posture dangereuse pour le lien social . La haine s’insinue dans les discours,pénètre dans le langage,elle finit par obtenir une forme de légitimité .
Pour analyser le développement de la haine,je distinguerai trois chapitres.
1) Difficultés à trouver dans les débats des tiers qui fassent médiation,pacification .
2) La haine de la surjectivité
3) La haine de la temporalité
1) Difficultés à trouver dans les débats des tiers qui fassent médiation,pacification .
Il y a un face à face généralisé . L’exemple le plus flagrant et le plus fréquent est le face à face entre la police et la population . La police dans les démocraties constitue le tiers institutionnel qui refuse toute violence négociable . Deux films illustrent bien cette opposition irrémédiable entre la police et des jeunes de banlieue . Le premier sorti s’intitule " La Haine " créé en 1995,le second les " Misérables " paru en 2019 .
( à suivre)
De l’intolérance à la haine....
Dans le film " La Haine ", trois jeunes de banlieue ne pardonnent pas à un commissaire d’avoir blessé mortellement l’un des leurs pendant un interrogatoire . Le plus virulent des trois promet que si son camarade meurt à cause de ce mauvais traitement,il n’hésitera pas à tuer le commissaire ou un de ses collègues . Cette haine passionnelle de la police entraîne ces trois jeunes gens dans un cercle vicieux qui les déstabilise et les diminue fortement . Ces trois jeunes amis qui se parlent au bord de l’explosion en arrivent à s’injurier .
Dans le film " Les Misérables " ,on assiste à une opposition frontale et violente entre la police et des jeunes de banlieue . La police occupe la position centrale dans ce film . Les policiers ne cherchent plus à dialoguer avec les jeunes pour instaurer une pacification dans les quartiers . Ils considèrent seulement que l’usage de la peur peut assurer une relative tranquillité publique . Les affrontements se multiplient entre les jeunes et la police si bien qu’à un moment donné un policier commet une bavure . A la suite d’un coup de flash ball dans le visage d’un garçon,les violences entre les deux camps ne cessent pas de monter en gammes . Le film se termine par une scène de guerre dans une cage d’escalier .
Ainsi, cela existe à tous les niveaux de la société . On devient fataliste . C’est comme ça . On est en guerre . C’est toi ou moi . " Soit on est avec moi,soit on est contre moi " . Le débat d’idées est évité car il est considéré comme une attitude de faiblesse . Les discours de paix sont déconsidérés au bénéfice des positions qui conduisent à la guerre . Vouloir que l’autre soit comme moi,c’est chercher une domination absolue. On revient à une intolérance qui date des guerres de religions. Le goût ambivalent pour l’altérité n’existe plus puisque les interlocuteurs refusent toute discussion contradictoire . Or,du débat contradictoire jaillit la lumière .
Certains discours politiques visent à dresser les différentes catégories sociales ou les différentes ethnies les unes contre les autres . Au nom de l’autorité,de la fermeté,on monte les gens les uns contre les autres . Il y a une privatisation du langage dans l’entre-soi . On se comprend dans son camp comme dans le film " Les Misérables " de 2019 . Or,pour pacifier un débat,il est nécessaire de préciser le sens des mots pour les mettre en position de réception des tiers . Ainsi se met en mouvement le ressort de la dialectique . On peut pluraliser les perspectives selon nos places dans la société qui sont conflictuelles . ( à suivre)
De l’intolérance à la haine...
Nous sommes pris dans la haine de la subjectivité ;tout le monde a envie de parler de lui et de ne pas tenir compte de l’opinion de l’autre . Une position excessivement subjective emmène à une confusion avec l’identité . On tombe dans le règne du moi qui devient idenditaire . On en arrive à se complaire dans le narcissisme . L’autre doit me renvoyer une image destinée à me valoriser . L’idenditaire nous pousse à avoir une flatteuse image totale de nous-même . Par contre,cette exigence ne nous empêche pas " d’être ondoyant et divers " . Le sujet adopte la conduite qui lui convient, selon les circonstances de temps ou de lieux . Les jeunes cherchent ce satisfecit .
Ces attitudes protéiformes empêchent l’Être de se connaître lui-même . On est bien loin de la maxime proférée par Socrate et rapportée par Platon : " Connais-toi toi-même ! " . Le but ultime, à notre époque, est simplement d’être reconnu,de se placer dans la lumière . Cette évolution négative détermine la dé-liaison sociale . Il y a toujours de l’autre en moi surtout dans un pays où est instituée l’Instruction Publique . Nous partageons les connaissances de ceux qui ont vécu avant nous et qui vivent présentement .
En utilisant les moyens de l’intelligence artificielle et du numérique,les jeunes dessinent leurs profils . Ils ont tendance à se ligoter eux-mêmes dans la création de leur image idenditaire . Beaucoup de recrutements se font dans les réseaux internet à l’heure actuelle . La société de " l’Ecran Global " incite à figer l’image que l’on veut donner de soi-même . L’intelligence artificielle calcule le profil à la place de la personne . Celle-ci en est réduite à une quantification qui la traite comme une chose,une marchandise . On est loin du souhait transcendant du philosophe Henri Bergson qui écrivait : " Notre société a besoin d’un supplément d’âme " .
Nos représentants politiques ont tendance à réduire à zéro les questions existentielles,à les ramener uniquement à des normes comptables comme la situation des retraités . Les seniors ont l’impression d’être des surnuméraires c’est à dire des personnes en trop qui augmentent le budget déficitaire de l’Etat . On ne sait plus traiter l’autre de manière idéalisée . La misogynie, elle aussi, a changé ;elle est poussée à l’extrême jusqu’au féminicide .
De l’intolérance à la haine..... Catherine L’heuillet
La Haine de la Temporalité,
Dans notre vie contemporaine,nous sommes happés par l’accélération de l’histoire . La valorisation de la compétition économique entre pays a déterminé cette même compétition entre les individus . L’homme
hypermoderne est devenu un homme unidimensionnel comme l’écrivait déjà Herbert Marcuse en 1964 aux Etats-Unis et publié en France en 1968 . Autrement-dit, l’homme ne serait perçu depuis la seconde moitié du 20ème siècle que dans sa dimension économique et financière ;l’home économicus . Dans notre société d’aujourd’hui,Avoir est plus considéré que Être .
Dans ce contexte,nous courons,nous accélérons notre vitesse d’exécution pour essayer de faire deux journées en une seule . Bien que nous en prenions conscience, nous sommes emportés dans la spirale de ce mouvement collectif . Il s’ensuit l’établissement d’un rapport de haine avec la temporalité . Souvent,on entend dire dans nos relations sociales : " Je n’ai pas le temps " . Le temps ne nous apparaît plus dans son altérité pour échanger des idées,des opinions avec un autre . Nous sommes pris dans une course effrénée pour rentabiliser chaque instant . Il faut à tout prix combler les vides temporels qui peuvent se présenter . La nécessité absolue de réussir dans sa carrière finit par conduire au burn-out .
A contrario,l’ennui,le spleen ou le vague à l’âme teinté de mélancolie magnifié par certains auteurs romantiques,est la conséquence d’une haine du temps vide . L’expression " tuer le temps " formule bien cet état de passivité et d’irrésolution . D’un côté,il y a ceux qui ne savent pas quoi faire,de l’autre des personnes qui ont trop à faire .
L’ennui est la cause de passages à l’acte dans le djihadisme ou le populisme,mais aussi d’autres passages à l’acte de la jeunesse qui tombe dans l’abus de stupéfiants et d’alcools . Pourtant,il convient de donner de la valeur à notre vie dans le temps . Comment alors desserrer le taux de la haine ? Il est difficile de faire disparaître entièrement la haine . La solution la meilleure dans un premier temps est d’essayer de composer avec la haine,de ne pas lui donner trop d’éléments .
Nous nous heurtons souvent à un problème de coexistence humaine d’où peut naître une conflictualité devenant de plus en plus agressive . La meilleure parade est de savoir se parler,d’utiliser les ressources du langage . Cet échange mutuel de propos aboutit à nous prescrire des lois non écrites de convivialité . Ces dernières nous aident à considérer l’autre non pas comme un adversaire mais comme un collègue . A partir du moment où on se considère comme l’un à côté de l’autre et non pas l’un contre l’autre,nous voyons le monde d’une autre manière . Nous arrivons alors à déjouer le face à face négatif pour privilégier l’adresse sur la communication .
Aujourd’hui,le langage s’est dégradé à tel point qu’on ne sait pas consoler l’autre lorsqu’il subit des situations difficiles comme le deuil ou un accident de la vie . On ne sait dire que des banalités du genre : " Est ce que ça va mieux ? " . Par contre, les parents et surtout les mamans savent écouter les petits enfants à la sortie de l’école pour leur offrir un abri . La journée est finie . L’enfant ressent le besoin qu’on le chérisse . Les voisins sont aussi les premiers autres avec lesquels nous sommes emmenés à avoir des relations sociales aimables . Se trouver soi-même, c’est aussi aller à la rencontre de l’autre .
Avant de terminer cet exposé,je reviendrai sur des points évoqués précédemment pour les préciser et les compléter .
Dans le cadre de la haine de la subjectivité,on assiste à des débats fallacieux,composés de vérités et de contre-vérités . Le locuteur jongle avec les ambiguïtés pour aboutir à une conclusion qui satisfait son intérêt personnel . Au contraire,il faut toujours tenter de redevenir soi-même à travers l’échange humain . Il est intéressant d’aller jusqu’au bout de la logique de l’altérité . Un tel m’a dit quelque chose qui a compté pour moi . Il convient de laisser un peu de place au désir inconscient,d’abandonner quelque temps la rigueur rationnelle . On sait ce qu’on ne veut pas,mais savoir ce qu’on veut est un peu plus compliqué . Il nous arrive d’être écartelé entre plusieurs désirs sans aboutir à trouver le meilleur à satisfaire .
Cultiver les décalages temporels . Se redonner un peu de temps . Nous devenons esclaves du temps parce que nous voulons trop anticiper l’action future . Respecter le temps des choses et le temps de l’autre . On entend parfois cette remarque : " C’était pas le bon moment pour dire ça,pour faire ça " . Prendre un peu de distance avec la dictature de l’immédiat . Dans la société actuelle,tout nous encourage au pulsionnel . La créativité,c’est considérer que la vie vaut d’être vécue . La formulation dogmatique : " Aime ton prochain comme toi-même " consistait à mettre un voile sur la haine,car on supposait qu’elle pouvait toujours surgir . Se donner du temps pour se restructurer plus positivement,pour donner davantage de valeur à son existence . Permettre à la parole de retrouver ses droits contre la jouissance de la haine .
De l’Intolérance à la Haine..... Hélène L’Heuillet
Le Débat
Question : Je vais vous poser trois questions .
1) Vous avez dit que nous allons vers un monde de plus en plus caractérisé par la diversité . C’est vrai à certains égards . Pourtant,le trait dominant c’est l’uniformisation dans le cadre de la globalisation et la passivité totale des populations comme en Chine .
2) Jusqu’où peut on tolérer l’intolérance ?
3) On constate de nouvelles formes d’atteintes à la condition féminine . Cette situation s’est aggravée . Pourtant,durant ces cinquante dernières années,des progrès ont été faits .
Réponse :On vit dans un monde de diversité,car nous côtoyons même dans notre pays des cultures différentes . Il en va de même des religions et des langues .Par contre,on constate,il est vrai,une uniformisation économique et matérielle de toutes nos sociétés . La tolérance ne va plus de soi . Certains disent que cette indulgence est un peu bê-bête . Pour un grand nombre d’entre nous,la diversité n’est pas tolérée . Notre système économique et social nous oblige à vivre tous au même rythme . Beaucoup ont envie de se mettre dans un total conformisme . Celui qui n’adopte pas cette attitude généralisée et imposée de fait, est ostracisé voire harcelé . Cette oppression peut conduire la victime jusqu’au suicide . Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes .
Jusqu’où peut on tolérer l’intolérance ?
Tant qu’on reste dans le langage,une chance persiste de s’entendre même si on est dans une situation de conflictualité . Faut il être un ennemi de l’intolérance ? Il y a en effet des cas où l’on est obligé de fixer une limite infranchissable à la tolérance . Par exemple,il est inadmissible de laisser dire des propos racistes ou extrémistes . On essaie, tant qu’on peut, de convaincre par des arguments de respect de la vie de l’autre .
En ce qui concerne les féminicides,je ne fais pas d’échelle d’évaluation de la gravité . Par contre,je ne vais pas faire l’éloge du patriarcat . La nouvelle vie des femmes détermine de nouvelles formes de violences .
Question : Est ce que vous n’êtes pas dans une logique de rapports de force face à face avec la nature ? Vous considérez qu’il y a une recherche permanente de la domination de la nature de la femme . On arrive donc fatalement à l’affrontement bien qu’on ait cherché d’abord à maîtriser la situation pénible .
Réponse : En effet on est dans un schéma binaire et tout schéma binaire est un schéma de domination qui veut faire plier l’autre . Est ce inéluctable ? Les mentalités commencent à changer . Les tenants les plus farouches de la technologie admettent maintenant qu’il faut respecter la nature . Pour Descartes,l’homme est destiné à être le maître de la nature . Aujourd’hui,les disciples de la domination tempèrent cette prétention ;ils conçoivent qu’il faut composer avec la nature . Le respect d’un certain nombre de données s’impose au genre humain .
Question : L’éducation a une grande influence . Quand on a la haine,on a mal . Un ami m’a dit : " Quand je ressens de la haine envers mon prochain,je prie Dieu pour qu’il m’enlève la haine et ça marche " ?
Réponse : C’est en effet une forme de thérapie traditionnelle . Que nous le voulions ou non,nous sommes dans une ambiance de haine dès le surgissement à la vie de l’enfant . La naissance est une épreuve pour la maman et le bébé qui subit la dé-liaison du cordon ombilical à sa venue dans le monde extérieur . En effet, lorsque l’enfant paraît il se met à pleurer.Sa détresse exprime une solitude existentielle due à sa séparation d’avec sa mère . Il faut vite le consoler,le dorloter pour éviter qu’il se sente isolé . Il y a une inter-action entre la haine et l’isolement . La haine finit toujours par conduire à l’isolement et l’isolement peut faire naître la haine . Au contraire, l’amour explicite le sentiment du lien,crée de la joie . C’est aussi un sentiment extrême qui peut basculer dans la haine lorsqu’on est déçu de l’être aimé . L’ambivalence entre la haine et l’amour se manifeste donc . Chez les djihadistes et les populistes,on remarque une culture de la haine . Comme on le dit parfois avec trivialité,on va repeindre quelqu’un,lui tailler un costard .
Hélène L’Heuillet
De l’Intolérance à la haine......
Question : Chaque individu porte une part de haine . Par l’éducation on peut la maîtriser et vivre en société . Pourquoi parler de haine à propos des retraites ? Je le conteste . Un débat contradictoire a été mené sur le problème des retraites . Chez les " Gilets Jaunes ",je suis d’accord,il y a eu de la haine . On ne peut pas mettre au même niveau de comparaison populisme et djihadisme . Le passage à la violence physique est-il fatal dans le populisme ?
Réponse : Dans une société démocratique,le problème est le passage à l’acte violent . Le djihadisme est certes plus meurtrier et semble t-il, il n’a aucune idéologie populiste . Malgré tout,on observe dans l’histoire que tous les populismes ont fini en régimes de mort . Le mouvement populiste d’extrême droite porte en lui-même une possibilité d’appel au meurtre . Le phénomène populiste à mon avis fait glisser la démocratie dans le sens du peuple . Il dresse les " petits " contre les " gros ",s’oriente dans une direction sociale,évolue vers la défense de la race presque unanime du pays . Même si officiellement,les partis d’extrême droite renoncent à l’idée de race,ils finissent dans la logique interne de leur mouvement politique par y aboutir et la revendiquer . Les idéologies de ces partis d’extrême-droite sont racistes . Le populisme définit le peuple au sens politique,juridique,social,
ethnique .
Les groupes de pression revendicatifs,plus ou moins volontairement,contiennent en leur sein une part plus ou moins grande de haine . On a bien vu que les " Gilets Jaunes " ont manifesté de la haine contre le gouvernement . En effet,beaucoup se sont mis en grève,se sont longtemps privés de salaires ou de revenus pour exprimer leurs désaccords vis à vis du gouvernement . Les manifestants contre la réforme des retraites avaient aussi de la haine parce que le problème des retraites a été traité dans une orientation comptable et non pas dans un sens social . Evidemment dans tous les cas,l’éducation joue certainement un rôle .
Question : Entre l’amour et la haine,il n’y a qu’un pas . La haine peut-être une réaction de la personne pour qu’elle soit reconnue . C’est quand on n’est pas entendu que les cris arrivent,que cette violence s’extériorise . Cette demande peut être interprétée comme une demande à recevoir une réponse de la part d’une autorité publique .
Réponse : La question,c’est jusqu’où peut on aller ? Une dé-liaison est toujours possible malheureusement entre deux êtres qui s’aiment . Cet amour l’un envers l’autre peut alors se transformer en haine . Les djihadistes s’entraînent au clivage,à la séparation . Pour eux celui qui n’adore pas le Dieu de leur religion est un hérétique . Il est donc damné d’avance et peut être tué . Dans ce cas,la haine a créé un fanatisme meurtrier . Un point d’appui est alors franchi . On ne peut plus faire marche arrière . Comme le " Satyre " de Victor Hugo,le sujet n’est alors qu’" une force qui va " . Quand on s’entraîne pour commettre des meurtres,peut on quitter la haine pour revenir à l’amour ? S’approchant du meurtre,on ne peut pas revenir à l’amour.
Question : Le langage des politiques entre eux a évolué ? Quelle est votre appréciation ? Avez vous effectué des comparatifs avec les débats
d’autrefois ?
Réponse : Le langage politique s’est très appauvri aujourd’hui . Dans une émission parlementaire " Le Rembobinage ",j’ai écouté une interview de Mendès France réalisé par Anne Sinclair . J’ai pu constater avec effarement comment cet échange était intéressant à regarder et à écouter . Le langage employé par ces deux locuteurs etait caractérisé par un vocabulaire exact et élégant,des tournures de phrases stylées . Boileau avait raison de dire : " ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément " .
On ne voit plus pareilles conversations de qualité aujourd’hui . Aujourd’hui,la communication a remplacé le débat analytique,voire la capacité de disserter sur une question politique,économique ou sociale . La communication consiste à convaincre l’opinion publique que le gouvernement a raison de prendre telle ou telle mesure même si la majorité du peuple s’y oppose . La communication est toujours à la fois partielle et partiale,elle imite les slogans publicitaires . Il s’agit de convaincre même en usant d’arguments fallacieux . Il faut à tout prix gagner . Les hommes politiques gagneraient à dire sur certains sujets épineux : " Je ne sais pas " . Par contre il appartient légitimement aux hommes politiques de décliner des arguments et de dire tout ce qu’ils savent sur tel ou tel sujet .
Hélène L’Heuillet
De l’intolérance à la haine.......
Question : Après l’attentat terroriste du " Bataclan " où un monsieur avait perdu sa femme,il déclara : " Je n’aurai pas la haine " . La haine fait du mal à soi et aux autres . Le mieux pour chacun est de vivre avec amour et respect . Il y a pourtant des gens et des choses que je n’aime pas . Malgré tout ,on peut vivre sans haine .
Réponse : Je n’ai pas fait l’éloge de la haine . Je dis qu’un événement dramatique peut nous y faire basculer dedans .
Question : Est ce que la haine n’est pas favorisés par l’appartenance à un groupe ?
Réponse : La personne qui appartient à un groupe,révèle ses idées et par là-même définit son identité .
Question : Comment faire pour lutter contre la haine qui se développe dans un groupe ?
Réponse : Le groupe,en tant que tel,est dangereux par son identité qu’il cristallise . Dans l’embrigadement d’une foule,le passage à l’acte souvent violent est facilité . L’enjeu,c’est la responsabilité . Nous sommes tous responsables d’engager tel ou tel phénomène social . Essayer de ne pas agir de manière corporatiste dans la foule car des élans passionnels destructeurs peuvent se produire .
Question : En ce qui concerne plus précisément la guerre,il m’a été raconté que,pendant la guerre des tranchées en 1914-1918, de soldat à soldat chacun n’éprouvait pas de la haine l’un envers l’autre individuellement . On voyait dans l’autre un père de famille que son Etat avait obligé de faire la guerre . Au fond,les soldats de chacun des deux camps en conflit voyait un autre soi-même obligé de combattre sur ordre de son Etat . Il est vrai que les hommes qui déclarent la guerre ne la font pas en première ligne .
Réponse : Dans les armées pour motiver les combattants,on insuffle de la haine . Une autorité militaire,représentative de l’Etat,intime au citoyen,transformé alors en sujet,d’obéir à un ordre . Son être est alors divisé entre l’obligation de respecter la vie et le devoir de tuer l’ennemi de sa patrie . Par contre, pendant les conflits militaires,des exactions de foule se réalisent,comme le massacre de populations belges en 1914 par l’armée prussienne et le drame sanglant,ignoble d’Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944 par les SS allemands .
On constate,aujourd’hui aussi,des nouveaux radicalisés qui passent à l’acte de leur propre initiative comme des djihadistes qui écrasent des gens en voiture ou les tuent à coups de couteaux . Il est vrai aussi que les chefs dans ces mouvements terroristes leur infligent un lavage de cerveaux . Il est difficile pour les services sociaux de distinguer entre islamisme et djihadisme . L’islamiste pratique sa religion musulmane sans attenter à la vie d’autrui . Le djihadiste est convaincu qu’il faut tuer les infidèles à sa religion. Il s’approche de plus en plus du meurtre jusqu’au moment où, fanatisé, il le commet . Sa dé-radicalisation devient alors difficile pour les travailleurs sociaux . Il est nécessaire de prendre au cas par cas chaque radicalisé en tenant compte de son degré de radicalisation . . Les personnels des services sociaux sont confrontés devant chaque patient à soigner à des cas de conscience compliqués .
Peut on libérer un tel ou tel sans risquer qu’il soit un futur récidiviste semeur de morts . Est ce que par le langage,on arrivera à les intéresser à autre chose pour qu’ils parviennent à se valoriser eux-mêmes sans nuire à des personnes de convictions différentes des leurs ?
Les jeux vidéo violents peuvent déterminer leurs pratiquants à se complaire dans l’assassinat virtuel . Mohamed Mérah s’est entraîné sur les jeux vidéo à devenir un meurtrier . Mais ; rassurons-nous,tous ces adeptes de pareils jeux ne deviennent pas des meurtriers . Cependant,ces pratiques ludiques peuvent réveiller des pulsions . N’importe quelle personne ne peut pas appuyer sur la gâchette dans n’importe quelles conditions .
L’emploi des drones, pour attaquer et tuer des groupes ennemis, éloigne les utilisateurs des théâtres d’opérations militaires . Ils ne sont pas dans l’action de guerre sur le terrain . La guerre numérique à distance empêche ou diminue fortement la prise de conscience de la tragédie mortifère dans les combats . Lorsque ces techniciens militaires de la société globale des écrans s’aperçoivent du nombre de morts réels,certains tombent en
burn-out . Une fois qu’on tue,on est plus comme avant . Il y a néanmoins la responsabilité des hommes au niveau du commandement militaire et du pouvoir politique des Etats .