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Alfred GROSSER

politologue, sociologue et historien français d’origine allemande

Faut-il faire mémoire ?

juin 1995 20h30



La mémoire en question

300 personnes environ assistaient jeudi soir au Chapeau-Rouge à la douzième conférence de l’association " La liberté de l’esprit ". L’orateur, Alfred Grosser, professeur émérite à l’Institut d’Études politiques de Paris, traitait du thème suivant : " Y a-t-il un savoir de mémoire ? ". En préambule, M. J. Le Goff, rappela à l’assistance que M. Alfred Grosser fut un agent actif de la réconciliation entre l’Allemagne et la France aux lendemains de la deuxième guerre mondiale et annonça le thème de la soirée en déclarant : " Ce qui menace l’homme, c’est l’oubli. Et l’antidote, c’est la mémoire qui doit être transmise ".


 

Histoire et mémoire.

En déclinant les différentes conceptions du terme " mémoire ", le conférencier Alfred Grosser tenait tout d’abord à souligner qu’elle peut être " multiple ", c’est-à-dire que les même faits n’ont pas toujours la même signification selon le côté où l’on se place et qu’elle peut aussi parfois nous trahir et être ainsi à la source d’erreur. Spécialiste de l’Histoire contemporaine de l’Allemagne, ce pays lui servit de principal exemple pour dénoncer " les non-lieux de la mémoire qui abondent ".

Qui se souvient que Dachau fut d’abord construit pour les Allemands qui s’opposaient au régime hitlérien et que des milliers d’entre eux y périrent ? Il souligna également l’importance des médias, des manuels scolaires dans la transmission de la mémoire. Lors des procès de Barbie et de Touvier, il regretta notamment le silence de la presse au sujet de la grâce accordée, dès 1963, par le général de Gaulle à deux de leurs chefs dont un général SS. Ceux-ci étaient en effet responsables de crimes encore plus abominables que ceux commis par Barbie et Touvier. Et les crimes de Staline que les communistes ont à un moment niés ?

L’Église catholique n’échappa pas non plus à ses critiques. Il rappela que, pendant des siècles, en Espagne ou au Proche-Orient, l’Islam se montra bien plus tolérant que l’&EACUTE ;glise. L’Inquisition au service de la Reconquista ... Les catholiques allemands ne furent pas non plus oubliés. Les camps d’extermination furent érigés sur des terres chrétiennes !

En fait, " rien n’est jamais tout blanc ou tout noir. Ainsi, la colonisation fut considérée au départ comme quelque chose de merveilleux puis jugée épouvantable dans les années 70. Aujourd’hui, on fait la part des choses en distinguant le positif du négatif. "
 

Pour une " mémoire constructive "

S’il n’est pas contre le principe des commémorations - Alfred Grosser a d’ailleurs participé à plusieurs - il souhaite, en revanche, ardemment que la mémoire à transmettre repose prioritairement sur une connaissance solide de l’autre, de ses souffrances. " Ne pas tenir compte de la mémoire d’un groupe, c’est aller au-devant de catastrophes ". Au cours du débat qui suivit son intervention, Alfred Grosser fut interrogé sur la Bosnie et répondit qu’il n’avait pas aujourd’hui de solution. " Il eût été préférable de se donner les moyens de dissuader l’agresseur dès les débuts du conflit ". Mais la France était, à cette date, victime de sa mémoire car les Serbes étaient alors considérés comme des alliés de la France. " Aujourd’hui, je suis content de ne pas avoir à décider ", conclut-il. Le public aura retenu que " l’essentiel, c’est que la mémoire conduise à lutter contre les crimes en train de se commettre ". Cela n’est possible, selon Alfred Grosser, qu’à partir " de la souffrance de groupes humains auxquels on n’appartient pas ".

A lire : Alfred Grosser : " Le Crime et la Mémoire ", collection Champs, Flammarion, 1989, 39 F.

Le Télégramme de Brest

l’esprit de tolérance

Artisan infatigable de la réconciliation franco-allemande, Alfred Grosser était jeudi soir au Chapeau-Rouge l’invité de " La liberté de l’esprit ".

" Quand le cynisme du réalisme politique se tait, il est essentiel de se réclamer d’une morale pour condamner les crimes passés et présents ", a déclaré Alfred Grosser, auteur du livre " Le crime et la mémoire ".

Avec une passion conjuguant l’humour et la gravité, le conférencier a dénoncé tout d’abord l’illusion d’une " mémoire collective ". " Elle n’existe pas. C’est un acquis, fabriqué par les médias et par les manuels d’histoire. " Le passé qu’ils transmettent est en fait transformé. " On fabrique ainsi l’identité d’un peuple ou d’une nation en gommant de manière sélective ce qui peut être gênant. "

Le véritable " devoir de mémoire ", selon Alfred Grosser, doit d’abord lutter contre les légendes pédagogiques à connotation nationaliste. " La mémoire créative exige de ne pas aimer que les siens. Il faut savoir écouter l’autre, ne pas ignorer ses souffrances. Chaque groupe doit se souvenir de ses propres contradictions. La collaboration pour la France, l’Inquisition pour l’Église - sil veut construire son présent. "

Autre exigence de cette mémoire positive : " Intervenir pour les victimes des autres groupes ". Pour illustrer sa thèse, Alfred Grosser a dénoncé la dérision du slogan " plus jamais ça " répété maintes fois lors des cérémonies commémorant la fin de la Seconde guerre mondiale et de ses atrocités. " C’est dérisoire de le proclamer si, dans le même temps, on se tait devant les mêmes abominations perpétrées au Rwanda, au Burundi, en ex-Yougoslavie et ailleurs. Il faut ajouter en outre que le fait d’avoir été victime dans le passé ne justifie pas d’être bourreau aujourd’hui. "

Les 300 auditeurs ont constaté que la morale laïque dont se réclame Alfred Grosser possède une vertu cardinale : la tolérance.

Jean-Yves BOUDÉHEN, Ouest-France


Biographie Alfred Grosser est un politologue, sociologue et historien français d’origine allemande né en 1925 à Francfort-sur-le-Main.

Réfugié en France avec sa famille dès 1933, il perd son père l’année suivante. Il s’installe définitivement en France, y fait ses études, passant notamment l’agrégation d’allemand et commençant une thèse sous la direction d’Edmond Vermeil, mais il rompt avec la germanistique traditionnelle pour se tourner vers la science politique à partir de 1955. Il enseigne ensuite à l’institut d’études politiques de Paris, où il a été professeur, puis professeur émérite. Il est directeur de recherches à la Fondation nationale des sciences politiques, de 1956 à 1992. Il a également enseigné à l’École polytechnique de 1965 à 1995, à l’École des hautes études commerciales (HEC) de 1961 à 1966 et de 1986 à 1988, à l’université Stanford de 1964 à 1965, à l’université Johns Hopkins de 1955 à 1969, à l’université Keio de Tokyo en 1992, ainsi qu’à Singapour en 1994.

Il a été chroniqueur politique au Monde de 1965 à 1994. Il occupe la même fonction très régulièrement à La Croix et à Ouest-France depuis 1994. Ses travaux et son enseignement ont exercé une grande influence, notamment pour la réconciliation et la coopération franco-allemande.




Messages

  • hier a la radio j ai entendu monsieur grosser parler.il m a remplie de joie puisque il vit et s exprime de la facon que je raisonne depuis beaucoup d annee.je suis heureux d avoir decouvaire HERRN GROSSER.ER VERDIENDT SEINEN FAMILLIENNAMEN ZU RECHT. CHAPEAU. ULRICH B.



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